Chant I : Eyléane
Eyléane se réveilla un beau matin d’hiver, au plein milieu d’une prairie, entourée de bouftous et de tofus. Intriguée par le décor, elle prit ensuite le temps de s’inspecter. Elle passa ses mains sur son visage, puis les contempla. Non, vraiment, elle ne se souvenait de rien. Comme si elle venait de naître…
La ville qui juxtaposait le pré était bruyante mais chaleureuse et idéalement éclairée par le soleil matinal. Le temps n’était pas trop frais, et Eyléane se surprit de prendre un peu de bon temps à se promener dans les rues agitées… Astrub, c’est ainsi que les gens nommaient cette bourgade, paraissait bien être le futur lieu de vie de la jeune fille.
Il y avait certaines autres personnes qui étaient un peu habillées de la même manière qu’elle : petite jupette, et sorte de cache-cœur assez court. Une tenue qui ne poussait pas à l’indécence, non, mais tout du moins à une certaine sensualité. Et celle d’Eyléane, inconsciente enfermée au fond de son cœur, surgissait parfois dans un mouvement gracieux de la main, ou un sourire chaleureux et furtif adressé à un passant.
Elle suivit ces personnes habillées comme elle, et tomba sur une place calme ornée d’une statue…
De toute évidence, Eyléane était une Crâ. Une classe mystique attirée par le combat à distance que leur déesse Crâ leur apprenait à la naissance. La vue d’Eyléane était perçante et incroyablement bonne. Elle se dit qu’il était bien possible qu’elle fasse parti de cette caste.
Une petite initiée du nom de Ticra lui enseigna les rudiments du tir à l’arc, et peu de temps après, Eyléane se retrouvait à gambader dans les rues vivantes.
Ce fut à ce moment là qu’elle perçut le premier appel. C’était comme une voix sombre et caverneuse. Un peu rauque. Elle surgissait de son propre cœur et lui intimait de suivre la voie qu’elle avait empruntée.
Eyléane, poussée par un élan de peur et d’incompréhension, tomba, dans les faubourgs de la cité, sur une ruine indicible qui lui glaça le sang…
Là la voix se fit plus forte et plus volontaire. Elle ne pouvait se résoudre à l’ignorer !
« Jeune fille, ton destin est de me servir. Tu le feras avec joie, car c’est ce que tu souhaites, au fond de toi. »
Pénétrant plus encore dans la ruine, elle put distinguer deux yeux rouges qui la fixaient. Sa terreur fut si subite qu’elle s’enfuit en hurlant sans manquer de trébucher sur maints gravats, se râpant coudes et genoux.
Elle avait découvert une conviction. Elle avait entendu un nom. Désormais, beaucoup de choses prenaient un sens…
Dans ses périples durant lesquels Eyléane progressa sensiblement, elle fit la connaissance d’un Eniripsa qui lui voulut aussitôt que du bien. La petite équipe s’empressa de progresser plus encore, et YurimYotha sut bien vite soigner les plaies de la jeune Crâ. Complémentaires, les deux jeunes purent bien vite affronter des périples encore plus grands.
Quelques temps plus tard, elle entendit à nouveau l’appel. La voix puissante la força à rejoindre la vielle ruine.
Pénétrant, tremblante, à l’intérieur des parois recouvertes de lierre, elle put contempler une seconde fois les yeux rouges luisants. Mais elle put dominer un moment sa peur, et écouter ce que son maître lui annonça.
« Il est temps, à présent, jeune fille, que tu me présentes ta sœur. »
Aussitôt, des images lui revinrent en tête. Sa sœur, oui… Elle la reconnaissait à présent. Habillée de noir, cheveux de la couleur d’une aube d’été, caractère trempé comme l’acier d’une épée d’un Iop…
« Très bien, je vais trouver Edonys, et te l’amener, maître Vorador.»