Eyléane se réveilla un matin, fiévreuse et nauséeuse. Elle n'arriva pas à se lever de son lit. Dans ses cauchemars incessants, elle se retrouvait perdue dans les ténèbres, au milieu d’espèces de serpents visqueux, noirs, qui s’entortillaient les uns dans les autres, silencieusement. Leur mouvement s’accentuait, tout devenait frénétique, et subitement, se figeait.
Les formes évoluaient dans le noir, apparaissaient et disparaissaient, c’était comme si la scène était éclairée par une lumière blafarde, la lune peut-être, mais qui s’arrêtait à une limite. Au-delà, les formes étaient dissimulées dans le noir complet. Eyléane semblait hurler pendant tout le temps du rêve, mais aucun son ne sortait de sa bouche.
Elle ne comprenait pas pourquoi la scène se figeait, sans raison, mais il lui semblait ensuite que toutes les entités la sondaient et attendaient un signal de sa part pour continuer leur danse frénétique. Elle ne voyait ni la queue ni la tête d'aucun de ces serpents ; ça pouvait symboliser les méandres de sa pensée, bouleversée, ne trouvant pas les réponses qu'elle attendait depuis si longtemps, tournant perpétuellement en rond autour de ses problèmes.
Yurim vint la voir dans la journée, mais la crâette était au plus mal. Les poussées de fièvre s'étaient intensifiées, elle avait du mal à distinguer le monde environnant, qui tournait sans arrêt et était constamment animé de petites étoiles scintillantes.
Eyléane sombra plusieurs fois dans un sommeil profond ; chacun de ses évanouissements faisait grimper le niveau d'inquiétude de Yurim.
Le lendemain, Édonys vint la voir, elle qui parcourait les landes depuis si longtemps, ayant juré ne plus rien avoir à faire avec sa soeur. La petite soeur s'assit au chevet de son aînée, resta un temps pensive, les sourcils froncés, avant de s'enfuir en courant. Yurim crut apercevoir des larmes dans ses yeux...
Le surlendemain, ce fut l'ombre qui vint rendre visite à Eyléane. Yurim eut des frissons dans le dos quand la "forme" apparut dans le coin de la pièce et quand la voie sombre et glaciale résonna dans la petite pièce. La forme noire semblait parler dans une langue inconnue, tout du moins Yurim ne comprit pas un traitre mot de ce qu'il dit à sa femme.
Puis l'ombre s'évapora, et Eyléane, avant de replonger dans son sommeil agité, sembla murmurer un "Vorador..."
Yurim avait déjà eu à faire avec ce... vampire... Il savait que la crâette n'était que le jouet de cet être terrifiant, mais il ne pouvait changer cela...
Le soir, Eyléane se réveilla et demanda à Yurim d'approcher. Elle lui susurra quelques mots à l'oreille, et Yurim prit son air grave, et quitta la pièce, non sans un dernier regard vers Eyléane, comme s'il lui semblait qu'il ne la reverrait jamais...
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Un matin comme un autre, alors que Yurim venait pour faire la toilette de la jeune crâ, il la retrouva à sa grande surprise... assise à son petit bureau en train d'écrire une missive.
Yurim éberlué s'approcha d'elle, lui posa une main sur l'épaule. Eyléane tourna lentement la tête et lui offrit un visage impassible, et Yurim crut un moment défaillir.
Eyléane semblait avoir guéri en une seule nuit, miraculeusement. A moins que la maladie n'ait daigné la quitter, ou se rendormir subitement.
La fièvre était tombée, la crâette était à nouveau resplendissante, le teint habituellement un peu pâle, les quelques tâches de rousseur ornant à nouveau ses pommettes, les cheveux propres, tombant de chaque côté de son visage. Quelque chose avait changé néanmoins : la noirceur de ses yeux s'était intensifiée. Yurim ne parvenait même plus, à la lumière de la chandelle, distinguer la pupille de l'iris. En sondant ces grands globes noirs, Yurim avait l'impression de chuter dans un gouffre sans fond ; ils n'étaient plus si emplis de naïveté, mais reflétaient désormais beaucoup de secrets inviolables...
Les paroles de la crâette le rassérénèrent aussitôt. L'air enjoué, elle lui souhaita une bonne journée, et la voir joyeuse, un grand sourire barrant son visage, les pommettes rouges, les yeux plissés, l'emplit de joie. Eyléane semblait s'être (presque) totalement remise de cet étrange mal...